Extraits du livre
Je t’ai dit que je suis la troisième fille de ce couple, pourtant au quotidien on me voit et je me présente comme la seconde, celle du milieu. J’évite ainsi d’expliquer que ma deuxième sœur est décédée.
À l’âge de six mois, ma mère donne le biberon à ma sœur un soir, lorsqu’elle s’aperçoit que l’œil de ma sœur est bizarre.
Elle a l’impression de voir au travers.
Faute de pouvoir en parler à de la famille (presque inexistante), elle en parle à une voisine, que j’appellerai toute sa vie mamie Léone.
Elle lui conseille d’en parler au médecin.
Le diagnostic est sans appel.
Justine a un cancer de l’œil.
Quelque temps avant ce diagnostic, ma mère avait repéré une poudre rose sur le landau de ma sœur.
À cette époque, Tchernobyl, elle en parle donc aux médecins qui encadrent ma sœur.
Un signe de tête et pas de réponse précise comme pour dire en effet la corrélation est probable mais n’en parlez pas, nous ne confirmerons pas cette hypothèse.
Pendant deux ans, ma mère doit jongler entre ma première sœur qui a entre trois et cinq ans et qui va bien et ma deuxième sœur qui a entre six mois et deux ans et qui va d’hôpital en hôpital.
Quinze jours avec l’une, quinze jours avec l’autre.
Lorsque ma mère est avec Justine à l’hôpital, elle laisse Emma en garde chez mamie Léone.
Mon père, en déplacement professionnel, fait de son mieux pour remplir le frigo, et payer les soins de ma sœur.
Il se retrouve à aller à l’étranger pour aller chercher de manière illégale des produits pour éviter que Justine souffre.
Et comme si la vie n’était pas encore assez dure, voilà que ma mère tombe enceinte de moi.
La maladie de ma sœur ne va pas en s’améliorant.
Elle est soignée à Paris.
Il apparaîtra que les médecins de la région qui ont pris ma sœur en charge au début de la maladie auraient fait des erreurs sur les traitements et ont détérioré le coefficient chance de pouvoir s’en sortir pour elle.
Elle doit alors subir des traitements intensifs, rayons dans l’œil, et se retrouve avec un œil de verre.
Lorsqu’on me raconte ça, enfant, j’en rêve la nuit. J’imagine un bébé fantôme qui me regarde avec ce verre dans l’orbite. Un genre de poupée de porcelaine qui se déplacerait en volant près de ma figure. Dégueu…