Extraits du livre
Portées d’un deuil
Quelle que soit l’origine étymologique que vous retiendriez pour donner sens à l’expression « croque-mort », il s’avère le plus souvent, au-delà de toute croyance, que la mort nous apparaît comme une véritable escroquerie. Elle nous inflige une perte, des pertes remettant en cause notre valeur, notre toute-puissance, nos valeurs. Elle peut prendre, dans le mythe, les traits d’une sorcière voire d’un croque-mitaine qui dévorent les enfants, ou dans le conte, la figure de l’ogre croquant ses petits. La grande faucheuse sonne toujours faux, nous faisant désemparés, fauchés dans le contre-temps et les contre-temps qu’elle ne manque pas de susciter. Scandaleusement précoce, lorsque elle «fausse-couche» le fœtus, quand disparaît l’enfant, décède l’adolescent nous laissant dans le deuil de leur devenir irrémédiablement perdu. Outrageusement brutale lorsqu’elle interrompt la vie par accident, attentat, disparition sans trace de corps et donc de possible sépulture.
Terriblement injuste quand elle laisse en plan des enfants privés à jamais de parents décédés. Particulièrement indécente quand elle sépare les amants et… tout autant obscène lorsqu’elle s’acharne à faire traîner en longueur l’issue fatale par d’effroyables douleurs, ne cessant d’alimenter ainsi d’interminables palabres sur la fin de vie. Enfin, diaboliquement sournoise, quand elle emboutit les intervalles de temps et tombe au moment même où la vie se déclare par ailleurs : la mort d’un proche qui surgit simultanément à la grossesse d’une femme tombée enceinte et qui attend la naissance d’un enfant.