Extraits du livre
–Regarde-moi, m’ordonne-t-elle. Tu as le visage fatigué ! Tu n’as pas pris les fleurs ? Elles sont pour toi !
Sans attendre la justification de ma triste mine, elle enchaîne :
–Il faut que je te parle… je pars ARMAND… je quitte le Domaine à la fin du mois… je prends un appartement… en ville… Je ne t’aime plus !
Son regard me quitte lui aussi. Elle a quelque peine à me fixer.
-C’est trop tard ! Maintenant je suis trop vieille pour avoir un enfant.
Un enfant de son ventre ne lui aurait-il pas donné un but, une raison de penser à elle, à lui, à nous, de se sentir vraiment femme ? D’oublier un peu les autres !
-Armand, sa liberté, son indépendance, y as-tu pensé ?
-Je ne sais pas écrire mes sentiments… c’est pas mon truc…
Pas de tête… et le temps qui passe, une question d’existentialisme.
L’angoisse finit par faire peur. Le mal-être vous étouffe, vous ne vous aimez plus !
-Armand, Mô s’aime-t-elle ?
Ce vendredi, la fonctionnaire de la poste, m’avait remis une carte postale imagée de la station thermale et signée: Mô.
– … une petite chatte bien seule, bien triste, mais qui ne demande qu’à être embrassée, sucée, aspirée, etc… etc…
La même fonctionnaire, huit jours après l’arrivée de Mô à la station thermale, me dépose une nouvelle carte postale, avec la phrase qui tue :
-… je sais ce que je ne veux plus, … mais pas ce que je veux… je t’embrasse… Mô.
– Armand, tu ne peux pas rester sur cette ambiguïté sexo-graphologique.
Pendant 24 à 48 heures, je ne vois plus rien du tout. Je suis aveugle à « temps partiel », pour l’instant. En fait, mes yeux reçoivent les images et les transmettent au cerveau qui se trouve dans l’impossibilité de les décrypter. Il est incapable de charger le bon « codex ». C’est un nouveau phénomène que j’ai découvert et qui, je l’avoue me fiche la trouille, même si le médecin me dit que c’est uniquement migraineux… Serais-je un jour « déconnecté » de tous les soleils ?
– Mon vieux pédonculé, je vois mon avenir qui s’annonce se changer en passé avant même d’avoir été présent. Dans deux mois, tu seras moins paisible, ton important feuillage t’occupera…
Quand je n’appartiendrai plus à la vie, le chêne lui, continuera d’appartenir au monde. Je doute que ce soit UN chêne. Fourchu, son écorce au pli de sa branche la plus basse ressemble étrangement au sexe de la femme. Une fine mousse au pubis, les replis, de grosses et petites lèvres sont là offerts et m’appellent.
Vais-je y passer ma cravate en chanvre ?
– Armand, n’déconne pas !
Je sais que j’aurais mal une dernière fois à mes C4, C5 !