Extraits du livre
EXTRAITS DU LIVRE
Confronté à une misère qu’il ne devinait pas, le baron François semble déstabilisé, il demande donc à Roland pourquoi il cache sa famille. Étonné de cette question, Roland réalise alors que ces trois cavaliers ne sont pas les hommes d’armes de l’intendant, il s’aventure à poser timidement la question : « Êtes-vous des soldats du roi ? » Le baron François le regarde longuement sans répondre immédiatement, puis dit : « Non, nous sommes les hommes d’armes du nouveau seigneur qui va arriver », sans préciser que c’est lui le maître.
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En ce très frais matin du samedi du 22 octobre 1641, la foule est rassemblée sur la place malgré la petite pluie fine et glacée qui pénètre jusqu’au plus profond des vêtements, la potence, dressée la veille, rappelle aux anciens des images de détresse, quand on pendait ou qu’on brulait encore les sorcières, en ces époques ça arrivait encore parfois, surtout après les années dues aux mauvaises récoltes ou aux cataclysmes climatiques d’étés trop chauds et trop secs, ou d’hivers trop rudes où les arbres éclataient sous le gel, les mares et les puits gelés, le froid qui tuait les bêtes dans les prés ou les étables aux planches disjointes, qui faisaient de nombreux morts parmi les hommes, là les croyances en la sorcellerie resurgissaient, il fallait des coupables et des martyrs. Ou quand on arrivait à prendre quelques coupe-gorges qui ravageaient les campagnes et pillaient les plus malheureux sans défense.
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Sitôt debout, Alberto donne les consignes, on emmène au château le domestique balafré et fiévreux de la brûlure infligée ainsi que le gosse, il fait menace d’exécuter le gamin si quelqu’un de cette famille s’avise à s’y opposer ou fait prévenir Édouard. Il n’est pas persuadé que personne ne sache quelque chose de plus, c’est suffisant pour éteindre les éventuelles velléités. Denis parle un moment à distance à Alberto pour qu’on défasse les liens du gamin, juste lui laisser les mains attachées à la selle pour qu’il ne s’échappe pas dans la forêt qu’il connait très bien, il le surveillera de près et tiendra les rênes de son cheval. Chemin faisant et chevauchant, Denis interroge le gosse de façon calme et détournée, il le connait très bien et se dit qu’il est contraint aussi au silence, pour l’amener à tout dire en douceur il faut le mettre en confiance.
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Tôt le matin, il partent à la tête d’une troupe de trente hommes, il fait déjà très froid pour la saison, les premières gelées blanchissent les prés et les bois, c’est dans un univers blanc de givre dans la presque obscurité de cette aube naissante à travers la brume qu’ils chevauchent en silence, chaudement vêtus ils ont bien l’intention d’être rentrés le soir même, mais la nuit tombe vite en cette fin novembre, raison d’une troupe si nombreuse et bien armée. Denis et Alberto chevauchent sans mot dire côte à côte, juste derrière un clerc renfrogné d’une chevauchée si matinale et si froide, entre deux groupes de soldats pour éviter d’être attaqué par l’arrière comme le font souvent les coupe-gorges bien que depuis des mois rien n’est plus arrivé dans la région, surtout depuis qu’Édouard est mort et que le Croquant est au cachot loin d’ici.