Extraits du livre
PREMIERE RENCONTRE de François et Murielle à l’hôpital, après leur suicide raté :
– Je vous laisse, interrompt l’assistante. Ne restez pas trop longtemps François pour ne pas la fatiguer. Au revoir et encore bonne chance. On vient de l’appeler François ! Une larme puis deux giclent sans qu’il puisse les retenir.
– Pourquoi pleurez-vous, vous vous appelez bien François ? Comment se fait-il que vous me connaissiez ? Il lui lâche la main. Encore un interrogatoire, pense-t-il agacé. Il s’en veut de s’être attendri un instant. Il s’approche de la fenêtre. Il admire un bouchon de voitures qui empestent à qui mieux mieux sur une route encombrée, là, à deux pas de l’hôpital. Un rictus stupide lui déforme les lèvres. Il se préoccupe de l’air que respire cette fille tombée du ciel. Et pourquoi pas de ce qu’elle mange, de ce qu’elle souffre…
– Gardez la fenêtre fermée, finit-il par répondre pour faire diversion.
– Vous ne répondez pas à ma question, insiste la convalescente. François s’impatiente.
– Je dois partir Mademoiselle. Oui je m’appelle bien François, mais je ne vous connais pas. J’ai menti aux infirmières pour faire du zèle. Portez-vous bien. Au revoir. Il coupe court mais évite le ton sec. Il veut en finir avec les émotions. Il lui jette un dernier regard. Il ne la voit plus. La fille a mis sa couverture sur sa tête. Elle ne bouge pas. Décidemment pas contente la gamine. Il hausse les épaules. Devant la porte, il se retourne encore une fois
– Au revoir Mademoiselle. Rien, pas de réponse. Il rebrousse chemin passablement intrigué. Il la découvre. Elle est prostrée et elle pleure. Ses mains sont entrelacées et se tordent mutuellement.
– Mais pourquoi diable pleurez-vous, j’appelle quelqu’un ?
– Et vous, pourquoi avez-vous pleuré tout à l’heure, répond l’autre en s’essuyant d’un revers de main ? François ne répond pas. Il lui remet la couverture sur ses jambes, s’assoit sur la chaise des visiteurs. Pardon Murielle. J’ai pleuré un peu parce que la vie, un moment, a posé son doigt sur moi. Vous savez… C’est comme un greffé d’organe qui vient voir son donneur. Tu m’as sauvé la vie dans des circonstances trop longues à expliquer. Ne sachant plus rire, je me contente de pleurer.
– Alors, répond Murielle en riant et pleurant coup sur coup, quand tu gagnes au loto, tu fonds en larme et quand tu te suicides tu ris comme un maboul ? On m’a répété ce que tu faisais sur le rebord de ta fenêtre. Tu as hurlé mon nom en riant.
– Tu me tutoies maintenant, remarque François toujours soucieux de brouiller les cartes ?
– C’est toi qui as commencé.
– Oui, mais moi je suis vieux.
– Et moi je suis une pisseuse et j’ai tous les droits. Tous les deux éclatent de rire.
– Tiens, tu ris sans hurler…
– Tiens, j’ai ri, s’extasie François ! Un long silence s’installe. On entend un malade geindre dans une chambre voisine. Un chariot caracole dans le couloir et annonce l’heure du repas. Encore un silence… Puis, timidement, François questionne Murielle :
– Pourquoi as-tu fait ça ?
– Quoi ça ?
– Les cachets.
– Et toi François, pourquoi la fenêtre ?
– Chut Murielle !
– Chut François !
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