Extraits du livre
« La pluie du soir a rafraichi la matinée. J’ai à peine dormi quand ma mère me réveille pour me débarbouiller. Il est 5 heures 30 environs. Le sceau rempli d’eau chaude laisse former un nuage de vapeur. Les larmes aux yeux, elle me frotte avec un filet fabriqué à partir du palmier et un savon traditionnel qui d’habitude sent mauvais.
Mais ce matin, je sens un parfum particulièrement tendre et presque maternel. Elle commence à réaliser mon départ imminent. Ses mains rustiques tremblent tentant de s’agripper à ma peau sèche (…). Elle sent un second abandon. J’essaie de la déculpabiliser par un regard doux et innocent. J’ai donné mon accord à mon père. Je dois quitter ma famille au risque de la perdre pour satisfaire mon envie d’apprendre à lire et à écrire cette langue étrange articulée par les voisines occidentales. »
« Ce retour au bercail a été un voyage sur moi. J’apprenais à me retrouver au sein de ma famille qui n’était plus la mienne. En six ans, beaucoup de choses avaient changé.
Ma mère a eu trois enfants. J’ai dû apprendre à les connaitre en tant que frères et sœurs. Mon petit frère qui me suivait, avait trois ans quand je suis parti. Il en avait neuf à mon retour. J’étais assis au milieu de tous comme un étranger. Un inconnu. ».
« Tôt ce matin, Alimata et Maïmouna ont été réveillées par leur grand-mère qui les a habillées presque de la même façon. Je sentais sur leur visage l’angoisse et la peur.
Elles se doutaient de quelque chose. Innocentes, elles ont demandé à leur grand-mère pour quoi elle voulait les emmener à Yirimadjo. Leur maman était déjà partie au marché ouvert mais elle était au courant. Elle voulait éviter le regard accusateur de ses filles. Quant à leur papa, il s’était contenté de balancer une somme d’argent à sa maman. Elle devait payer le taxi et la vieille dame pour le travail accompli. Elle devait aussi leur offrir des friandises. Il semblerait qu’elles aidaient à passer la douleur et la souffrance. »