Extraits du livre
Page 11, ligne 17 à ligne 28
À l’âge de huit ans, j’avais reçu de mon grand-père un rouleau en papier vieilli et me souviens de ces paroles : Moi M’Bida, Paul ton grand-père, à quelques mois de la fin de ma vie, je te confie, toi Lilli, ce rouleau qui nouera les liens entre les générations passées et celles à venir. J’étais trop jeune pour comprendre le sens de ces quelques mots, maintenant que j’ai grandi, elles ont une autre résonance dans mon esprit. Un rouleau jauni par le temps que j’associe aux valeurs d’optimisme, de liberté, de tolérance et d’humanisme que mon grand-père nous a toujours enseignées ma sœur Élisabeth et moi. Mais auquel j’associe, aussi, les histoires douloureuses qu’il nous racontait.
Page 15, ligne 1 à p 16, ligne 8
Nous sommes la famille M’bida-Dubec. Descendants de Georges Dubec, médecin normand. 1968, année de mes huit ans. Mes parents habitaient à Mulhouse dans un petit trois-pièces. Ma sœur Élizabeth et moi, avions une chambre qui donnait sur la cour de l’immeuble. Le bâtiment en face de la fenêtre de ma chambre était plus haut que le nôtre. L’escalier avait d’énormes hublots par où j’observais les gens monter. Je leur tirais la langue dans mes moments d’embêtement. Personne ne me voyait, mais je m’amusais ainsi. Je préférais les dames âgées car, elles montaient plus lentement. Alors, je les observais plus longtemps et je scrutais leurs achats dans leurs paniers, particulièrement lorsqu’elles étaient à l’étage en dessous. Ma sœur, elle, n’avait qu’une idée en tête ; plonger dans une revue féminine que ma mère laissait dans le porte-documents au pied du téléphone. Elle se faisait son propre cinéma en parlant aux mannequins. Elle les habillait, elle les déshabillait. Les mannequins avaient chacun leur nom. Ses jeux m’énervaient et je n’éprouvais aucun plaisir à simuler un quelconque dialogue avec des images. Alors, pour éviter de la taper et me faire punir par mes parents je préférais jouer seule. En classe, Élisabeth était toujours prête à répondre quelle que soit la question. La maîtresse lui avait, pourtant, dit de laisser parler les autres. Côté résultats scolaires, elle m’avait toujours devancée. Elle adorait la musique. Elle était techno, pop, rock, rap ou salsa au gré des copains et des copines