Extraits du livre
Argument n° 54 : il ne faut pas voir de l’homosexualité partout ; il y a des pratiques homos qui ne sont pas de l’homosexualité et il y a des pratiques vraiment homos, mais qui ne sont pas actualisées.
L’acte homo, c’est avant tout le désir homoérotique, le fluide et le libre consentement entre deux personnes prêtes à s’unir corporellement, mais qui ne le feront pas nécessairement. Il faut dissocier les pratiques homos et bien savoir de quoi on parle à leur sujet avant de les mettre dans le même sac, pour ensuite toutes les décrédibiliser, condamner et diaboliser. Des mecs s’enfilent tous les jours sans s’aimer ni être foncièrement homos tandis que d’autres s’aiment et se sentent vraiment homos sans jamais s’enfiler ! Il y a des fausses homosexualités qui seront pourtant actées (par exemple, l’adolescente bisexuelle qui sort avec des nanas parce que ça fait cool et rebelle, la bande de potes hétéros qui se branlent et se caressent ensemble, le jeune loup arriviste et carriériste faisant du sexe gay pour avoir ses entrées dans les sphères de pouvoir ou en entreprise, le prostitué-escort sans le sous qui se laisse entretenir par des hommes fortunés et qui paye en nature afin de fidéliser sa clientèle, le chippendale employé par des clubs gays et qui fait ça pour arrondir ses fins de mois ou nourrir sa famille, l’acteur hétéro faisant du porno gay à l’occasion, le père de famille ou l’hétéro curieux qui tente une expérience homo inédite, les ados qui s’embrassent en soirée alcoolisée pour répondre à un pari lancé par leur groupe, deux femmes qui se broutent le minou et se roulent des galoches dans un porno machiste pour exciter le mâle qui les observe, toutes les personnes qui vivent une sexualité de substitution ou de circonstance en prison ou en temps de guerre, etc.) et puis il y a des vraies homosexualités qui resteront pourtant non actées ou très sages (par exemple deux passants qui se dévisagent et ont un coup de foudre immédiat, deux amis qui tombent progressivement amoureux l’un de l’autre sans se l’avouer, l’ado n’étant jamais passé à l’acte mais se sachant homo ou amoureux d’un camarade de classe depuis sa plus tendre enfance, le couple homo qui vit ensemble chastement plus qu’il ne baise, etc.). Il faut arrêter de coller des étiquettes aux gens ou de les associer identitairement ou fantasmatiquement à leurs actes. L’homosexualité a quelque chose de beaucoup plus pur, platonique, indiscernable, improvisé, libre, poétique, désincarné, spirituel, innocent et gratuit que d’acté. Elle ne se laisse pas circonscrire à une liste arrêtée de pratiques dites homos. Elle se manifeste plus comme une attraction érotico-sentimentale (plus érotique côté gay, plus sentimentale côté lesbienne, d’ailleurs) que comme un passage à l’acte et des gestes homosensuels. En d’autres termes, l’acte homosexuel ne fait pas l’homosexuel. Voilà pourquoi il me semble insensé et inapproprié de juger l’homosexualité à sa pratique, et surtout de la caricaturer à ses pires actualisations.