Extraits du livre
« Nul amoureux des animaux ne peut aborder l’histoire du chien sans voir surgir devant lui le tumultueux passé des territoires si longtemps disputés.
Un peu assagi et éduqué, le chien suit l’homme partout depuis qu’il est domestiqué, et même jusqu’aux maisonnées. Il devient un privilège pour les chasseurs et les agriculteurs, débute alors toute l’utilité incontestable du chien. Se développent les structures spécialisées et les élevages dynamiques encadrés par des maîtres valets. On devine les débordements mal lunés d’expériences honteuses, de surcroît, la faim et la misère guettent les chiens de la rage, véritable menace de la santé publique.
Troubadours et ménestrels rythment leurs spectacles en fonction de l’intelligence de leur clébard. Tandis que les pieuses dames idolâtrent sur leur lit, leur petit toutou. Le respect du territoire devient troublé par les guerres civiles et militaires, les puissants et redoutables guerriers engagent donc les grands chiens au combat, dans des luttes ingrates.
Heureusement, le chien connaîtra d’autres heures de gloire et les honneurs des chefs. Au fil de la lente et douloureuse révolution, le chien se dépouille de son aspect méchant pour endosser une image plus aimable. Loin de la magistrature pompeuse, fuyant l’ennui de l’errance, glanant quelques reliefs de repas donnés de mauvais gré, le roquet s’humanise dans une société amère, le voilà meuble et humain à la fois. Pour remplacer le fouet ou le bâton, on l’enferme dans une cour, on l’attache au piquet, ce qui se révèle être le symbole secret de la fidélité.
Néanmoins quelques savants feront du cabot, un illustre compagnon pour l’aveugle et le malade, quel curieux contraste d’une vie de chien voué au service de l’homme !
Son nom devient une insulte, on dira alors que des hommes sont des chiens, mais que les chiens sont comme les hommes, destinés à vivre ensemble pour l’éternité, en cherchant chacun toujours leur place. » (Introduction)