Extraits du livre
Née en 1984, à Drawsko Pomorskié en Pologne, mes deux premières années m’ont été expliquées, il y a peu, par ma grande sœur Ania, que j’ai retrouvé il y a trois ans, et qui était âgé de 11 ans à cette époque-là.
Époque où tous ces souvenirs sont aussi intacts que sombres.
De 0 à 2 ans, mes grandes sœurs Ania et Éla s’occupaient chaque jour de nous, pendant que notre mère cuvait, faute d’avoir trop bu jusqu’à sombrer.
Le soir et la nuit, aucune des deux ne fermait l’œil, car les hommes tous aussi malsains qu’alcooliques, faisaient irruption dans la maison, jusqu’à rentrer dans notre chambre.
Ma phobie des hommes viendrait-elle de là ?
Car à mon adoption, quand mon père voulut me prendre sur ces genoux, ma seule réaction a été de lui faire pipi dessus et de m’enfuir.
Ceci expliquerait-il cela ?
J’approfondis : quand j’ai demandé à ma sœur pourquoi j’étais terrorisée des hommes dès mon plus jeune âge, elle m’a regardée et un court instant il y a eu un blanc, puis en soupirant elle me répondit d’un air grave et triste à la fois : « Les hommes ivres qui rentraient dans notre chambre voulaient nous toucher et plus encore… Nous avons fait ce que nous avons pu pour vous protéger ainsi que nous-même. »
Face à cette révélation, mes larmes n’ont pu s’empêcher de couler, mais je compris enfin d’où venaient mes traumatismes. J’avais la réponse à ma question.
La journée, pendant que la plus grande de nos sœurs nous gardait, Ania partait voler de la nourriture et des couches dans les supermarchés, pour subvenir à nos besoins, car à la maison, hormis de l’alcool et des bouteilles vides gisant sur la table et le sol, il n’y avait malheureusement rien d’autre.
À travers les récits de ma sœur, j’étais à la fois terriblement peinée qu’elle eût été obligée de vivre ça, à la fois admirative pour sa force de caractère, sa maturité du haut de ces 11 ans à faire face à tout ça, et très touchée par l’amour et la protection qu’elle nous portait.
S’en suit alors les contrôles des assistantes sociales, sûrement dénoncée par les voisins qui devaient nous garder parfois car notre mère quittait la maison en nous laissant seules dedans, ou bien par la police, qui devait régulièrement intervenir le soir.
[pages 13 à15]