Extraits du livre
Bien que dur à la tâche, il était de nature fluette. Ses fesses étroites et nerveuses ressemblaient à deux gousses d’ail posées sur deux petites cannes fines et musclées. Comme il aimait le matin graboter dans son jardin en tenue légère, les rayons de soleil n’avaient coloré son corps que sur les parties exposées, si bien qu’apparaissait, parfaitement dessiné, l’emplacement du Marcel et du short.
L’ensemble était assez surprenant. Il ressemblait à un héron cendré déplumé qui aurait gobé, par inadvertance, deux pamplemousses dont la course intestinale se serait échouée au fin fond des tripes de la pauvre bête. Il mit les mains sur ses hanches et remua les bras à la façon du volatile prenant son envol. Il émit alors quelques gloussements, d’abord d’un ton sourd, puis de plus en plus stridents, battant des ailes d’un mouvement rapide. Ce tableau burlesque et l’absurdité de la situation lui déclenchèrent un rire hilare qui retentit dans toute la maison. *** Dix-huit heures. Le jeune Grelu sortit de l’usine. Contrairement à ses habitudes, il ne s’attarda pas et quitta ses collègues de travail précipitamment. La journée avait été particulièrement pénible et il avait hâte de rentrer à la maison se reposer. Depuis une quinzaine de jours, il ressentait des maux de ventre. D’abord espacées et peu douloureuses, les douleurs s’étaient intensifiées et revenaient trop rapidement. Il n’avait prévenu personne. Il ne voulait surtout pas ternir le plaisir de sa fiancée tout accaparée par les préparatifs de leur mariage et dont l’excitation grandissait à l’approche du jour béni. *** « Désolée, mais je ne peux rien faire pour vous. Croyez bien que j’ai tout essayé. Mais la décision ne dépend pas de moi, vous savez. Pour une petite somme, j’aurais pu intervenir seule, mais… là… vous comprenez… un prêt de cette importance est étudié au siège, à Lyon… et vu votre état, ils ont refusé tout arrangement… Je suis profondément désolée, Monsieur… profondément désolée. Je n’ai, hélas ! pas de solution à vous proposer ! » L’entretien avec la banquière était terminé. Ils avaient épuisé leur dernière cartouche, une ultime requête pour réaménager leur prêt immobilier, sans toutefois se faire trop d’illusions. Mille trois cents euros de remboursement mensuel ! Un montant devenu soudain hors de portée et qu’ils étaient dans l’incapacité de rembourser. Ils avaient tenu six ans, épuisant leurs réserves, utilisant leur part d’héritage. Et aujourd’hui, ils jetaient l’éponge. KO debout. Ils n’avaient plus rien, laminés, pressurés, asséchés, ruinés. |